Pendant des siècles, l’Histoire africaine a été présentée exclusivement d’un point de vue occidental, sans tenir compte des traditions et de la culture orale des Africains eux-mêmes. II. Hegel ignorait tout cela, mais ici, sans aucun doute, l’histoire africaine rejoint l’histoire mondiale. Du fait de ses généreux dons et de ses dépenses extravagantes sur les marchés de la ville, la valeur de l’or se déprécia au Caire et, selon certains témoignages, le cours resta bas pendant des années. En fait, le désert a toujours été un espace perméable où se déroulaient d’intenses échanges commerciaux, si bien que les influences culturelles et religieuses voyageaient dans les deux sens. Les spéculations sur sa fortune (mansa signifie « roi des rois ») découlent presque entièrement du séjour de trois à douze mois qu’il effectua au Caire, sur la route de La Mecque. Dans la péninsule Ibérique, musulmans et chrétiens se capturaient et se réduisaient mutuellement en esclavage, mais certains insistèrent sur le fait que, dans les nouvelles contrées d’Afrique subsaharienne, seuls les païens – c’est-à-dire ceux qui n’étaient adeptes d’aucune des trois religions du Livre – étaient dénués de raison et pouvaient donc être vendus comme esclaves. À cette époque, la couronne portugaise clame déjà haut et fort ses victoires dans la « guerre juste » menée contre les païens africains au nom de l’Église catholique. Les sources de langue arabe varient pour ce qui est du détail mais donnent de façon univoque l’impression d’une opulence rarement vue ailleurs. Tenant un sceptre dans une main et une sphère en or dans l’autre, il semble saluer un Berbère vêtu d’une tunique verte et d’un turban blanc monté sur un dromadaire 6. Avant la naissance et l’existence de la civilisation en Grèce, à Rome ou en Mésopotamie, etc… les africains étaient les premiers à avoir inventé les éléments de la civilisation (sculpture, écriture, … J’étais dans la dernière des embarcations. du pays noir, anthologie de littérature africaine (1927). Publié dans le magazine Books n° 102, novembre 2019. Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. 5. 1 La rationalité historique classique En réalité, l’histoire de l’Afrique existe même en l’absence de l’écriture. C’est le cas au Royaume-Uni, aux États-Unis, au ­Brésil… Lorsqu’on remonte plus loin dans le passé, c’est toujours sous l’angle de l’esclavage, en répétant les vieux clichés sur des peuples primitifs et opprimés. African Kings and Black Slaves (University of Pennsylvania Press, 2018). Des sources de l’époque calculent que l’empereur du Mali avait accompli le voyage de 4 300 kilomètres jusqu’au Caire avec 13 à 18 tonnes d’or pur dans ses bagages. De tous les ouvrages mentionnés ici, celui de Toby Green, historien de l’Afrique lusophone au King’s College de Londres, est de loin celui qui couvre la période la plus vaste. Il est beaucoup plus profond, il est civilisationnel aujourd’hui. » 1. La palabre et le calame : on l'oublie trop souvent, mais l'écriture joue un rôle central dans l'histoire et la culture africaines, au même titre que l'oralité. Cela va de nos grands penseurs aux livres et aux films qui ont nourri des générations d’enfants. Les premières identités nationales en Europe se sont forgées, dans une large mesure, sur la base de la concurrence en Afrique. En réalité, l’histoire de l’Afrique existe même en l’absence de l’écriture. » Cheikh Anta Diop, Alerte sous les tropiques, p. 48, Présence Africaine. Gomez ne se borne pas à relater l’histoire de Mansa Moussa, il en cherche la signification profonde. En 1526, ­Alphonse Ier écrit ainsi à Jean III de Portugal :« Beaucoup de nos sujets désirent acquérir les objets et marchandises que les gens de chez vous amènent ici. Mr Gbagbo arrive en tête avec 38% des voix, pas assez pour être le vainqueur. Ce fut la dernière fois qu’on le vit. Comme d’autres États qui avaient fait obstacle à la mainmise européenne, des royaumes puissants et très structurés tels que la Confédération ashantie et le royaume du Bénin, sa fragilité venait du fait qu’il n’avait plus la maîtrise de sa masse monétaire. Il essaie surtout de gagner du temps, espérant obtenir de l’aide de la part du pape Nicolas V dans le conflit qui l’oppose à la Castille – secours qui arrive en 1455, sous la forme d’une bulle pontificale, Romanus Pontifex. Atlas catalan (1375), détail. Le Rhinocéros d’or. Dans le cas contraire, il jure de lui « faire la guerre, dans le feu et le sang, comme à un ennemi ». Il se fonde sur un matériau d’une telle diversité (recherches sur le terrain, documents d’archives, études des traditions orales africaines) qu’on a du mal à le classer. Ainsi le philosophe allemand Hegel (1770-1831) déclare que « l’Afrique est une terre anhistorique ». Loin de renoncer à ses rêves d’exploration, Abou ­Bakari II aurait armé une nouvelle expédition d’une ampleur bien supérieure, constituée cette fois de 2 000 embarcations, dont il prit lui-même la tête. Le royaume du Kongo oppose une résistance acharnée aux Portugais et finit par se tourner vers les Pays-Bas, qui ne pratiquent pas encore la traite et sont ennemis des royaumes d’Espagne et du Portugal alors unifiés. Green évoque d’abord les conséquences politiques qu’eut en Afrique le début du commerce avec les Européens au XVe siècle. En 1454, raconte Bennett, le roi Jean II de Castille intime à son neveu, le roi Alphonse V de Portugal, de se tenir à l’écart de l’Afrique, qui est sa « conquête ». La traite des esclaves puis la colonisation mettront fin à ce rayonnement. Mais l’histoire de l’Afrique est bien plus complexe que cela ; et la cause ­première de bien des problèmes du présent réside précisément dans ce passé plus lointain. ». 3. Après avoir reconquis Luanda, les Portugais inondèrent de la même manière la région de coquillages, aussi bien locaux qu’importés de l’océan Indien. Le roi Pierre II du Kongo propose une alliance aux Pays-Bas et leur demande, dans une lettre de 1623, « quatre ou cinq navires de guerre ainsi que cinq cents à six cents soldats », qu’il s’engage à payer « en or, en argent et en ivoire ». Castes : « Je suis une dalit à New York ». Des catastrophes monétaires semblables s’abattirent sur les derniers grands royaumes ouest-africains, du fait, essentiellement, de la chute du cours de l’or qui suivit les découvertes de gisements dans le Nouveau Monde. Le Rhinocéros d’or, de l’historien et archéologue François-Xavier Fauvelle-Aymar, révélera à beaucoup de lecteurs l’existence de ce que les spécialistes nomment de plus en plus le Moyen Âge africain 2. Si de grands États très structurés tels que l’Empire songhaï, qui avait succédé à celui du Mali, furent affaiblis et finirent par s’effondrer, des royaumes plus petits, dont beaucoup de vassaux, prirent leur autonomie et se consolidèrent grâce aux échanges commerciaux avec les nouveaux venus. Dans son histoire des empires de l’Afrique de l’Ouest de l’Antiquité et du Moyen Âge 4, Michael Gomez, professeur d’études islamiques à l’Université de New York (NYU), fait une remarque intéressante. Fauvelle s’évertue à démolir des thèses déjà largement discréditées ­reliant les expéditions d’Abou Bakari II à une hypothétique présence africaine dans le Nouveau Monde anté­rieure aux voyages de Christophe ­Colomb. La distinction en deux phases, même si elle simplifie le détail de l'histoire urbaine, paraît commode car elle permet de dégager l'évo­ lution de l'organisation interne et externe de la ville négro-africaine. Mille deux cents ans plus tard, des griefs similaires entre le sud et le nord des États-Unis devinrent l’une des principales causes de la guerre de Sécession. Un auteur égyptien relate que Moussa se montra au Caire « au milieu de ses soldats, magnifiquement vêtu et à cheval ; sa suite était composée de plus de 10 000 de ses sujets ». À l’arrivée des Européens, à la fin du XVe siècle, le continent possédait des États puissants et structurés et participait aux grands courants d’échanges commerciaux, culturels et religieux. Cependant certaines sources spécifiques de l’histoire africaine posent problème. « Nous avons perdu de vue à quel point les histoires de l’Europe et de l’Afrique du XVe siècle sont imbriquées », écrit-il. Au départ, c’est essentiellement l’or qui intéressait les Européens en Afrique, mais, avec l’essor de l’agriculture de plantation dans le Nouveau Monde à la fin du XVIe siècle, la demande d’esclaves africains augmenta de façon spectaculaire. Bennett relate un incident qui marque, selon lui, le début de la traite atlantique. Moussa s’était montré si prodigue qu’il dut emprunter pour financer son voyage de retour. Voyages en Afrique noire d’Alvise Ca’ da Mosto (1455 et 1456), relation traduite et présentée par Frédérique Verrier (Chandeigne, 1994). Dans les dix ans qui suivirent le pèlerinage de Moussa, le Mali et son empereur commencèrent à figurer sur les cartes européennes, la plus célèbre étant l’Atlas catalan de 1375, ce qui contribua à attirer les aventuriers de la péninsule Ibérique le long de la côte atlantique de l’Afrique dans l’espoir d’y trouver la source de l’or. Ils en parlent comme d’un « Maure » (en l’occurrence, un musulman). En effet, l’auteur de ce second livre d’histoire de la philosophie africaine connaissait nécessairement l’existence de ce travail dont il reprend par ailleurs in extenso le titre, mais n’en a pas moins fait le choix téméraire et suspect de le taire. Mais c'est l'histoire de l'Occident. C’est la prodigalité de Mansa Moussa qui a frappé les observateurs, mais l’immense cohorte d’esclaves qui accompagnaient le souverain du Mali a bien pu asseoir l’idée tenace que l’Afrique soudanienne était un réservoir inépuisable de main-d’œuvre 5. Résumé (fre) Les sources de l’histoire de l’Afrique aux XIXe et XXe siècles passées en revue dans l’article portent sur l’histoire des Africains en Afrique, et plus précisément dans l’Afrique francophone au sud du Sahara, dont les États constitutifs présentent d’évidentes similitudes administratives et institutionnelles, issues d’une histoire coloniale commune. IL y a longtemps les européens ont nié l’existence de L’histoire africaine car elle est affranchie de la tutelle scientifique de l’occident. s'étendant de la fin du 19e siècle à la première moitié du 20e siècle. L’histoire du royaume du Kongo est particulièrement éclairante. En 1648, une expédition portugaise partie du Brésil reconquiert l’Angola. Il n’y a pas de peuple sans histoire. Nous n’aurions jamais rien su de son histoire si un secrétaire de la chancellerie du sultanat mamelouk en Égypte n’avait eu l’idée de ­demander au successeur d’Abou Bakari II, Mansa Moussa – lequel, en 1324-1325, avait fait une longue halte au Caire sur la route de son pèlerinage à La Mecque – comment il était arrivé au pouvoir et de consigner ses propos par écrit. Green conclut sa vaste étude du pillage progressif du continent en regrettant le manque d’intérêt des historiens pour l’Afrique de l’époque précoloniale : « Dans la plupart des universités où l’histoire de l’Afrique est enseignée, on se focalise sur le présent et sur les problèmes du présent. Le royaume cherchait à être reconnu des mamelouks comme un égal dans le monde musulman et était peut-être en quête d’un allié pour le protéger des incursions régulières des Berbères islamisés d’Afrique du Nord, dont l’Empire mérinide s’étendait jusque dans le sud de la péninsule Ibérique. 1Beaucoup s’interrogent encore sur l’existence de la bande dessinée africaine.D’autres se demandent si elle peut être considérée comme africaine. On refuse à l’Afrique l’existence d’une histoire, d’une mémoire collective. 9. À l’époque des voyages de Ca’ da Mosto, la couronne de Castille et celle du Portugal, les deux principaux royaumes chrétiens de la péninsule Ibérique, n’étaient pas encore parvenues à un accord à propos de leurs empires naissants et du sort à réserver à l’Afrique atlantique et à ses relations avec le reste du monde. Retrouvez gratuitement la Booksletter chaque samedi matin dans votre boîte email. Il n’y a pas de peuple sans histoire. Les Noirs, toutefois, en furent réduits à leur couleur de peau dès le départ. Une troisième évoque son pèlerinage « en grande pompe », racontant que Moussa avait voyagé « avec une armée de 60 000 hommes qui marchaient devant lui tandis qu’il chevauchait. Il n’existe pas d’autres traces de l’entreprise d’Abou Bakari II 3. Bennett remet en question « les causes qui ont longtemps servi à englober la rencontre entre Européens et les Africains […] dans l’histoire de l’esclavage du Nouveau Monde, négligeant ainsi le rôle que l’Afrique et les Africains ont joué dans l’évolution des royaumes de la péninsule Ibérique et l’expansion impériale avant 1492 ». Ceux qui l’acceptent pensent que l’histoire de l’Afrique commence seulement avec la colonisation. Dès que les captifs sont entre les mains des hommes blancs, ils sont marqués au fer rouge. ». Pendant plusieurs siècles, les sociétés africaines exportaient ce que nous pourrions appeler des “devises fortes”, notamment de l’or, qui ne se déprécient pas avec le temps. » En échange, les Africains recevaient des cauris 9, du cuivre, du tissu et du fer, dont la valeur décroît avec le temps. Mieux l’histoire de l’Afrique est le début de celle de l’Humanité. Les sources de l’histoire africaine Nous sommes peut-être à un tournant de l’histoire littéraire africaine. Avec son livre, explique-t-il, il vise à mettre à mal le récit en usage sur la montée en puissance de l’Europe, un récit selon lequel l’Afrique du début de l’époque moderne passe directement « de sauvage à esclave ». Fauvelle montre en une série de brefs chapitres que l’Afrique médiévale a été le foyer de civilisations rayonnantes. Et cela, explique Bennett, n’apparaît absolument pas dans les histoires des pays occidentaux, qui passent directement de la conquête des îles Canaries au débarquement de Christophe Colomb en Amérique. Au Kongo, c’est une étoffe de fabrication locale et de qualité supérieure qui était le principal étalon de valeur et la principale monnaie d’échange, ainsi qu’un type de coquillage, le nzimbu, ramassé le long de la côte toute proche. Tradition orale (Joseph Ki-Zerbo) Programme de l’unité d’enseignement (UE) : la méthodologie et la préhistoire africaine (Volume I de l’histoire générale de l’Afrique de l’UNESCO) L'un de ces combats majeurs est celui qui a porté sur l'utilisation des tradi-tions orales comme sources d'histoire aux côtés d'autres sources tels que l'écrit, l'archéologie et d'autres sciences pourvoyeuses d'informations histori- Une autre source affirme qu’il « était accompagné de 14 000 jeunes filles esclaves attachées à son service ». 1. Il le distribua dans les mosquées et aux dignitaires de tout rang rencontrés sur la route et en prodigua aux pauvres. Le continent est considéré comme le berceau de l'humanité, à partir duquel, il y a 200 000 ans environ, l'homme moderne s'est étendu sur le reste du globe. A Fistful of Shells s’ouvre sur la fondation de l’empire du Mali par Soundiata Keïta aux alentours de 1235 et court jusqu’au XIXe siècle. Alphonse V, que l’on surnomme déjà « l’Africain » de son vivant, exagère ses succès en Afrique. Constatant le goût de la population locale pour l’étoffe, les Hollandais inondèrent la région de leurs premiers textiles manufacturés, anéantissant le marché du pagne fabriqué au Kongo. 6. Les Pays-Bas acceptent l’alliance. On a la preuve, par exemple, de l’existence d’un commerce transsaharien régulier dès le IXe siècle entre des localités du Maghreb et des cités caravanières aussi éloignées qu’Aoudaghost [dans l’actuelle Mauritanie]. L'histoire de l'Afrique commence avec l'apparition de l'espèce humaine dans la corne de l'Afrique, il y a environ 2,5 millions d'années. Le Mali jouait une partition géopolitique complexe, soutient-il. Et c’est pour cette raison que certains invitent aujourd’hui à ne pas s’arrêter à l’enseignement de la première – que les futurs référentiels en Fédération Wallonie-Bruxelles aborderont – et à accorder une attention grandissante à … Moussa fit personnellement don de près de 180 kilos d’or au sultan mamelouk du Caire, An-Nâsir Muhammad. Fauvelle évoque aussi les relations diplomatiques complexes qu’entretenaient au viie siècle l’Égypte nouvellement islamisée et son voisin du sud, le royaume chrétien de Nubie. Les travaux de Cheikh Anta Diop, dès 1954, avec les Nations nègres et Culture, puis avec l’unité de l’Afrique noire et l’Afrique noire précoloniale, en 1959-1960, inaugurent une nouvelle approche de l’histoire de l’humanité et de l’Afrique en particulier. Complétez votre collection grâce à notre boutique en ligne. Gomez émet l’hypothèse que les grandes manœuvres géopolitiques de Moussa et de son prédécesseur avaient des motifs similaires : tous deux cherchaient à éviter au Mali l’ingérence politique et le contrôle économique des intermédiaires du Maghreb, région par laquelle l’or malien transitait vers ­l’Europe et ailleurs. II. Emmanuel Macron a regretté par la suite l’emploi du mot « civilisationnel ». Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies. À propos de la tradition orale, nous avons souvent entendu le proverbe : « Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle. » L’origine de cette phrase est incertaine, mais il pourrait s’agir de la reformulation d’une phrase prononcée par l’écrivai… L’un des panneaux les plus célèbres de l’Atlas catalan représente Moussa assis sur un trône d’or et coiffé d’une lourde couronne dorée, un peu à la manière des souverains européens de l’époque. Contacts Mme Christel causserand responsable du Master1 parcours Procédés Physico-Chimiques, Exemple d’une démarche d’investigation publié le 06/09/2007, «nouvelles approches de l’archéologie funéraire» inha (Paris) 4 et 5 avril 2014, Sommaires psychopathologie africaine Volume I, 1, 1965 (épuisé), De l'union economique et monetaire ouest africaine (uemoa), 1ere évaluation de production orale en continue, Problématique de l’histoire Africaine: sources et procédés d’investigation tradition orale, archéologie, linguistique. Par Howard W. French. LA PHILOSOPHIE AFRICAINE Introduction L’existence de la philosophie africaine a, pendant longtemps, suscité beaucoup de controverses. Cohen et d‘autres (1978), l'étude divise l'histoire de la main-d‘œuvre africaine en plusieurs ... production est une condition de l'existence de la formation sociale, ou le cas historique spécifique (1982, p. 6). Pas entrés dans l’histoire, les Africains ? Leur calcul est le suivant : en stoppant la traite dans cette région qui fournit à elle seule plus de la moitié des esclaves envoyés dans les colonies portugaises et espagnoles d’Amérique, ils espèrent mettre à mal le Brésil, société de plantation et à l’époque principale source de richesse du Portugal. Pour illustrer à quel point ces échanges commerciaux étaient bien établis à la fin du Xe siècle, Fauvelle parle d’un ordre de paiement – un chèque, pourrions-nous dire – d’un montant de 42 000 dinars émis par un marchand du sud du Sahara et encaissé par un commerçant de la ville marocaine de Sijilmassa. Les sujets portugais qui enfreignaient les règles africaines s’exposaient à des sanctions sévères et mettaient leur vie en danger. » De toute évidence, les Africains n’étaient pas des sauvages vivant dans un état proche de celui de nature, contrairement à l’idée qui s’est répandue en Occident avec l’essor de la traite atlantique et la colonisation du Nouveau Monde. Aucun bateau ne revint, sauf un, dont le capitaine raconta : « Nous avons voyagé un long temps jusqu’au moment où s’est présenté en pleine mer un fleuve au courant violent.