On nous arrachait au travail pour trois jours, sans la moindre explication. Jadis, elle était stakhanoviste, chef d’équipe. Nous ne perdons pas le contact. En fait, personne ne comprenait les dimensions de ce qui se passait. Il a continué à (188) percer, à genoux. On a demandé aux volontaires de faire un pas en avant. La vie des paysans se déroulait en toute simplicité : les gens semaient et récoltaient. La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse de Svetlana Alexievitch. Chacun éprouve le sentiment d’être condamné. La connaissance restera… Vous vous bornez à poser des questions, et moi, j’argumente tout le temps. Il m’est impossible d’aller chez eux. Et vous prenez des photos. La version profane de « la fin du monde » est implantée dans les consciences depuis la révolution industrielle du XIXe siècle. Et ils ont obtenu le résultat souhaité : j’ai été victime d’in infarctus… J’ai tout marqué. On l’a laissée pendant deux jours dans sa maison, la pauvre, dans un vieux gilet molletonné, sous les icônes. On ne m’a même pas autorisé à faire un saut à la maison pour prévenir ma femme. Ce manque de réaction me surprit grandement… Le soir même, un ami me passa un coup de fil. Si elle n’a pas été pillée, si tout est en l’état c’est que ses occupants doivent être quelque part, tout près. C’était très grave, cela représente la limite admise dans des locaux soumis à l’irradiation pour une durée de travail ne dépassant pas 6 heures. Pour l’instant, nous n’avons pas de formule, pas d’idées. Je vous raconterai plutôt ce dont je me souviens… La panique des premiers jours : certains se sont rués vers les pharmacies pour y acheter des stocks d’iode. Avant cela, je n’avais même pas de dossier au centre médical. À cette époque, notre famille a décidé de ne pas économiser sur la nourriture. Les mots « grandiose » ou « fantastique » ne parviennent pas à tout retranscrire. Les gens me remerciaient poliment, sans poser de questions supplémentaires. On les intimidait de la même manière. Il serait utile d'établir une première liste de citations qui vous serviront de repères tout au long de l'année, en particulier au moment des devoirs. J’avais la certitude que, s’il s’était agi de quelque chose de grave, on nous aurait avertis. Il est probable que si on nous avait interdit de partir d’ici, si on avait installé des barrages autour de la zone, beaucoup d’entre vous se seraient calmés. En voilà une : on envoie un robot américain sur le toit. Tableau des oeuvres, 5e partie. Je veux écrire autre chose : que nous étions une génération soviétique… Nos amis sont médecins, enseignants. Pourquoi ai-je perdu tant d’heures et de jours devant la télé ou un tas de journaux ? D’autres ont cessé d’aller au marché et d’acheter du lait et de la viande, surtout du bœuf. , mais pour eux, la maison représente un monde tout entier. Pourquoi cette copie ? La dose à l’entrée des bâtiments était de près de 3 milliröntgens par heure. Nous allons vous exiler dans des contrées éloignées. mais des condamnés qui en veulent à l’humanité entière à cause de leurs problèmes, qui, dans la peur, qui veulent le retour du communisme…. Des cartes secrètes, des plans d’évacuation étaient conservées dans des coffres-forts, sous scellés. Les rayons du soleil ne pourront plus arriver à la surface de la terre, ce qui provoquera une réaction en chaîne : il fera de plus en plus froid. Les hélicoptères faisaient toujours des allers-retours et les véhicules militaires encombraient les routes. L’armée, les moyens techniques militaires sont déjà sur place pour colmater la brèche. La prime était de 500 roubles. Nous étions fiers de vivre à l’ère atomique. Sous la démocratie, on nous vend des friandises et de la margarine aux dates dépassées, des jeans usés, comme aux indigènes qui viennent à peine de descendre des arbres. C’est une spécialité secrète. Nous avons également appelé Tchernobyl, mais personne ne répondait. Mais elle était heureuse ! On nous l’a pris tout le temps, effaçant nos traces. 14. Prenez le temps aussi de réfléchir au sens des titres de ces œuvres (en fonction du thème toujours). Ce n’étaient pas de brèves émotions, mais toute une histoire intérieure. Nous discutions jusqu’à l’extinction des voix, jusqu’au petit matin. Nos détecteurs indiquaient 70 curies. Je me souviens d’un homme, près du comité municipal du parti, à Minsk. Plus de 3.000. Véhesse. Quelles chances à Jirinovski de devenir président ? Notre prof disait que trois pièces de monnaie contiennent assez d’énergie pour faire fonctionner une centrale électrique. …. Mais ce n’est pas vrai. Et je ne verrai plus tout cela ? La plus courte : « Ils formaient un bon peuple, les Biélorusses ! Je suis né près de Briansk. Les gens y vont comme dans un cimetière. » On parlait de Tchernobyl comme d’un accident, un accident ordinaire… Si j’avais déclaré qu’on ne pouvait pas sortir dans la rue, on m’aurait dit : « Vous voulez saboter la fête du Premier Mai ? J’ai été convoqué : « Sais-tu faire la différence entre l’essence et le gasoil ? Et personne n’a rien eu. Nous partageons la même mémoire, le même sort. Un groupe d’Allemands travaillaient avec nous. Mais les bombes atomiques ne disparaîtront pas. Que se passe-t-il maintenant ? Seule, sans enfants. Citations 14. Il m’appelle souvent. Vers midi, les choses se sont précisées : un nuage radioactif couvrait tout Minsk. ... 2020 - critiques 103 citations 184 extraits de la supplication tchernobyl chroniques du monde de svetlana alexievitch la lecture de cette supplication est singulière il faut y être amené' 'La supplication tchernobyl Tchernobyl Nous cueillions des prunes, pêchions du poisson, nous jouions au foot, nous nous baignions ! L’art, c’est l’amour, j’en suis convaincue ! Aucun d’entre nous n’avait de doute quant au fait qu’on pouvait nous emprisonner pour refus d’obéissance. ! Et les filles du coin faisaient la noce. Nous allions chez les uns ou les autres et nous lancions dans des discussions infinies autour de la table. Soudain, la Terre est devenue petite. Des slips de plomb ! Et la valeur de. Et puis nous avons bientôt appris que l’on ajoutait de la viande contaminée justement dans ce saucisson-là car il n’était consommé qu’en petites quantités à cause de son prix élevé. On y éprouve la nostalgie de l’ordre stalinien. Il tenait une pancarte : « Donnez de l’iode au peuple ! Quelques gars se sont rebellés. J’ai écrit à Moscou. Nos responsables avaient plus peur de la colère de leurs supérieurs que de l’atome. Le cinquième mois, notre lieu de cantonnement fut changé. Dans mon esprit, l’énergie atomique nous emporterait dans l’espace. Là-bas, lorsque nous approchions des gares, les gens se … sur une terre contaminée, à la labourer, semer ? Les idéaux sont indispensables. Vous embrouillez les gens. Nous avons manifesté jusqu’à ce que le président du kolkhoze nous promette d’octroyer, pour chaque défunt, un cercueil, ainsi qu’un veau ou un cochon et deux caisses (205) de vodka pour le repas funèbre. Moi, je brûlais d’envie de monter sur le toit du réacteur. D’ailleurs, pourquoi tant de souffrance ? Il nous faut toujours ajouter quelque chose à la vie quotidienne pour la comprendre. Nous souffrons. la débâcle, l’anarchie. Mais tu n’aurais pas dû écrire (216) à Moscou. Alors, que devaient penser les autres ? Quant aux enfants, où qu’ils aillent, ils se sentent étrangers parmi les autres. Comment détruire, enterrer, transformer en déchets tout cela ? … Les premiers jours, l’inquiétude régnait en Ukraine, mais tout était calme, en Biélorussie. » Un dosimètre les accompagnait. On lui a fait signe qu’il était temps de partir, mais il a continué. Je n’irai plus dans la zone alors que, avant, cela m’attirait. Et nous, élevés sous Staline, ne pouvions pas admettre l’existence de forces surnaturelles. Lave- toi les cheveux… » J’ai raccroché. Il n’y a plus d’ordre ! C’est la légende de ces photos. Je savais que beaucoup de choses finiraient par être oubliées, par s’effacer. Parler de curies, de rems, de röntgens, ce n’est pas une interprétation. Je perds la raison, ma vue se trouble. Rien qu’aux faits ! Nous vivons dans un pays bien particulier… Je fermais toujours personnellement mon bureau. Sous le nuage radioactif… Le 29 avril, à 8h du matin, j’attendais déjà dans l’antichambre de Sliounkov. Quantité disponible : 1. Tableau des oeuvres, 5e partie. 11. Cela a constitué notre fenêtre sur l’Europe. C’est lorsque des étiquettes « Lait pour adultes » et « Lait pour enfants » sont apparues sur les bouteilles que nous avons senti que quelque chose approchait. Un pain sous les communistes coûtait 20 kopecks, maintenant, il coût 2000 mille roubles, j’achetais une bouteille, et il me restait de quoi payer quelque chose à manger. Nous ne marchions pas, mais courions. C’est un conflit de générations… L’avez-vous remarqué ? Vous pouvez déterminer vous-même combien de temps il va brûler ! De toute manière, l’homme doit bien mourir de quelque chose : le tabac, les accidents de la route, le suicide » … Ils se moquaient des Ukrainiens qui « se traînaient à genoux » au Kremlin en quémandant de l’argent, des médicaments, des dosimètres. Ils mettaient en marche de nouveaux équipements. Ce sont des gens privés d’immortalité qui en tuent d’autres. Une voisine m’a dit en chuchotant que Radio Liberty parlait d’un accident à la centrale nucléaire de Tchernobyl. En revanche, si le soldat chopait plus de 25 röntgens, c’est le commandant qui allait en taule, pour avoir irradié ses soldats. Le soir du même jour, la voisine nous a apporté des cachets qu’elle avait eus par l’un de ses parents qui travaillait à l’Institut de la physique nucléaire et lui avait expliqué comment les prendre. ), le nuage radioactif avance vers vous. Là encore, le livre se fonde sur les témoignages de plusieurs centaines de soldats, d’officiers, de veuves de guerre… Cette fois-ci, le sujet étant encore tabou en Russie, et Svetlana Alexievitch brisant le mythe du soldat soviétique apportant la « civilisation » à un pays arriéré, ce livre lui vaut une convocation devant la justice. La cour s’est vidée aussitôt. Tu partiras comme volontaire. On a d’abord parlé du défunt, puis du sort du pays et de l’organisation de l’espace. Chez nous, de telles choses étaient considérées comme de grands secrets. Ma fille, après ses cours au conservatoire, se promenait en ville avec des amis. La Supplication, Svetlana Alexievitch : «Des bribes de conversations me reviennent en mémoire... Quelqu'un m'exhorte :- Vous ne devez pas oublier que ce n'est plus votre mari, l'homme aimé qui se trouve devant vous, mais un objet radioactif avec un fort coefficient de contamination. La supplication. On nous l’a pris tout le temps, effaçant nos traces. » dis-je à nos hôtes. Des hommes arrachés à leurs femmes pendant six mois, dans une situation extrême. Avant-propos Cet ouvrage est conçu pour vous aider à vous familiariser avec les trois Écrivain et journaliste biélorusse, dissidente soutenue par le PEN Club et la fondation Soros, Svetlana Alexievitch est aussi l’auteure des Cercueils de zinc et de La supplication. Chez eux, c’est aussi la panique. Les réfractaires ont tenu conseil et ont fini par accepter. Des gosses nous entouraient. Personne n’a applaudi… Mes étudiants ont été bouleversés. Muslims regard this as a profound act of worship. Pendant tout le spectacle, ils attendaient un miracle. » Il parut surpris. C’était chez nous ! J’ai été rappelé avec un groupe de réservistes et l’on nous a fait partir sur-le-champ, en urgence. Je n’ai jamais éprouvé un tel sentiment, même pendant l’amour. Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche. À 15h30, nous avons appris qu’il y avait eu un accident à la centrale de Tchernobyl… Le soir, pendant la demi-heure de trajet de retour à Minsk, dans l’autobus de service, nous avons gardé le silence ou parlé de sujets extérieurs. Notre formule sanguine, notre code génétique, le paysage changent, quoi que nous fassions. Si vous ne pouvez pas assurer notre sécurité, nous partons. Mais où sont-ils, nos intellectuels, nos écrivains, nos philosophes ? Sinon, cela ne fait plus peur. Je n’ai jamais éprouvé un tel sentiment, même pendant l’amour. L’intelligentsia locale. On était désemparés. J’aimais la science-fiction. Notre Institut se trouve à la campagne et le temps printanier était merveilleux. À Malinovka : 59 curies. Ici, vous êtes des soldats. Mon histoire ? J’ai eu deux diplômes d’honneur. Je faisais en sorte qu’on exécute le plan que personne n’avait annulé… Durant les premiers jours, les gens n’éprouvaient que de la peur, mais aussi de l’enthousiasme. Et l’enfant est né pendant le voyage, dans la charrette. » Notre accompagnateur se taisait. Et eux, ils cherchaient des ennemis. Lave le plancher. Je pense qu’ils ne me croyaient pas ou qu’ils étaient incapables de comprendre le caractère terrible de l’événement. Les visages des vieux paysans qui ressemblent à des icônes. Ils ne comprennent vraiment pas ce qui s’est passé. Le réacteur allait brûler pendant dix jours, il fallait faire ce traitement pendant dix jours. J’ai emporté des instruments pour mesurer le fond. Les règles du jeu étaient simples : si vous ne répondez pas aux exigences de vos supérieurs, vous ne serez pas promu, on ne vous accordera pas le séjour souhaité dans une villégiature privilégiée ou la datcha que vous voulez. Mais après Tchernobyl… (179) On a fait venir des scientifiques jusqu’au réacteur. Pourquoi faudrait-il qu’elles meurent ? Ce n’est pas croyable ! Personne ne comprend ce qui se passe. La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse. Même la plus propre, la plus blanche qui soit. Et ma tribu est là, debout, pour les accueillir. Et vous voulez le forcer à penser à l’éternité ? Vous n'êtes pas suicidaire. Vous tentez de nous tirer du nez ! Pourquoi se taisent-ils ? Ils ignoraient que, depuis quelques (217) semaines, ils se prélassaient sous un nuage radioactif. Je l’ai quittée et je l’ai retrouvée une fois de plus dans ce monde. N’importe quel physicien vous dira que le graphite se consume à raison de cinq tonnes à l’heure. À la télé, je vois comment on tue tous les jours. Nous, l’intelligentsia locale. Je n’ai pas pu le regarder jusqu’au bout, je me suis évanouie. Nous avons été privés de l’immortalité. » Quelqu’un vous a-t-il dit qu’il était strictement interdit de prendre des photos à proximité immédiate du réacteur ? Nous ne sommes pas rationalistes. 9. Et là, 3.000 röntgens à l’heure. La Supplication de Svetlana Alexievitch, « J’ai lu »; Le Gai Savoir, Avant-Propos + Livre 4, de Nietzsche, GF, Traduction Wotling,; Les Contemplations, Livres 4 et 5, Victor Hugo (édition libre). Résumé établi par Bernard Martial (professeur de lettres en CPGE) Traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain J’ai lu n°5408. Il fonctionne cinq minutes. Certes, je n’étais pas membre du parti, mais j’étais quand même un homo sovieticus. Pour les pensionnaires d’un orphelinat qu’on n’avait pas évacués. Partout des tueries, en Tchétchénie, en Bosnie. Chaque animal était numéroté et affecté à une famille donnée. » Au monde entier ! Personne ne devait avoir reçu plus de 25 röntgens… Les gars étaient bien. C’est un futur tout prêt, mais il est impossible de parachuter les gens dans le futur. Trois à quatre gouttes pour les adultes. Nous sommes responsables de tout, y compris des lois de la physique. Moi, je brûlais d’envie de monter sur le toit du réacteur. Dans les premiers jours, j’ai pris ma fille et me suis ruée chez ma sœur, à Minsk ; elle ne nous pas laissées entrer chez elle parce qu’elle allaitait son bébé. Si la radiation atteignait tant de curies, il fallait cuire la volaille dans l’eau salée, jeter l’eau aux égouts et ajouter la viande à celle des pâtés et des saucissons. => Une évaluation de ce travail sera effectuée dès le premier jour. Ils ne sont pas encore nés et nous avons déjà peur. Et nous tenions des conversations philosophiques… (191) Nous sommes prisonniers d’un matérialisme qui nous limite au monde des objets. Nous étions complètement sans défense. Aujourd’hui, lorsque je me remémore ces journées, je me dis que j’ai éprouvé un sentiment … fantastique. Que de documents ont ainsi été détruits ! Un autre était chargé de percer un trou, sur le toit, pour insérer un tuyau qui devait permettre de faire descendre les décombres. L’ai est peut-être pur, mais les doses énormes ! » On me prenait pour un, Dans les instructions de sécurité nucléaire, on prescrit la distribution préventive des doses d’iode pour l’ensemble de la population en cas de menace d’accident ou d’attaque atomique. Comme dans cette histoire où les voisins viennent consoler un homme dont la maison a brûlé. Ce n’est plus de la tromperie. Mais j’ai grandi en Ukraine. Il fonctionne cinq minutes. Lors d’une séance (200) du Politburo, un général disait : « Qu’est-ce que la radiation a de terrible ? Une terre sur laquelle il est impossible de (185) semer, un portillon fermé à clef, des paysans produisant encore de l’alcool qu’ils nous vendaient… Car nous avions beaucoup d’argent : trois fois le salaire mensuel plus des frais de séjour multipliés par trois. Les hauts salaires et le secret ajoutaient au romantisme. C’est aussi notre jeunesse, notre époque… Notre religion... 50 ans ont passé. » (226) Il tient un dosimètre entre les mains. Un accident dans un réacteur… Ma première réaction a été de rappeler ma femme et de l’avertir, mais tous les téléphones de l’Institut étaient sur écoute. Je ne me cachais pas, je ne restais pas cloîtré dans mon bureau, mais je parcourais les champs, les prés. ¸ Quelles citations / quels titres paraissent illustrer la tentation du désespoir, en Et l’odeur de la forêt me donne le vertige, je la perçois encore plus fortement que la couleur. Un conte. raduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain. Nous avions tous fait des stages de défense civile. Je suis finalement parvenu à me frayer un chemin jusqu’à Sliounkov et à lui décrire le tableau que j’avais vu la veille. Plus tard, nous avons compris : ils croyaient tout ce qui se passait sur la scène. Deux à trois gouttes pour les enfants dans un demi-verre d’eau. « Vous voyez, les gars, il y a des décombres sur le toit. Mais personne ne nous écoutait, nous autres, les scientifiques, les médecins. Dans notre for intérieur, nous sommes des fatalistes et non des pharmaciens. Le reste est sans importance. Tout comme on ne parle pas de cancer dans la maison de quelqu’un qui en est atteint ou d’échéance dans la cellule d’un condamné à perpétuité. Ils ont pris de l’herbe et des couches de terre arable pour les transporter à Minsk. Ma femme travaillait elle-même pour notre Institut. ALEXIEVITCH, Svetlana, La supplication.Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain, J’ai lu, Paris, [1997] 1999, 250 pages.. L’auteur. C’était une forme de protestation. Deux sont tombés malades, alors il s’en est trouvé un pour dire : « J’y vais ! Une première idée nous est (176) venue : l’enveloppe de l’un des éléments calorifères avait perdu son étanchéité dans la zone active. Les habitants sont partis, mais leurs photos chez eux, sont restés vivre à leur place. Remets au lavage le linge qui sèche sur le balcon… dilue deux gouttes d’iode dans un verre d’eau. Tu as prêté serment, tu as embrassé le drapeau, tu es donc obligé. Or, Tchernobyl est une ouverture vers l’infini. (Programme CPGE scientifiques 2020-2022). En fait, personne ne comprenait les dimensions de ce qui se passait. Ce n’est qu’avec eux qu’un État fort est possible ! » Les deux femmes ont fini par se brouiller, l’une reprochant à l’autre son manque d’instinct maternel, la seconde de déserter. Comme dans cette histoire où les voisins viennent consoler un homme dont la maison a brûlé. Mais nous y étions passés. La nature renaît mais la dépression règne. Il faut nettoyer la surface. Deux militaires se sont présentés à l’usine où je travaillais. Elle s’est réveillée, le matin, et a dit à sa mère que, dans son rêve, elle avait vu deux anges emporter Olga. Tchernobyl est une métaphore, un symbole… Parfois, je me dis qu’il vaudrait mieux que personne n’écrive plus sur nous. Comme au front. On nous distribuait des tabliers de caoutchouc recouvert d’une pellicule de plomb pulvérisé. La Supplication de Svtelana Alexievitch (Programme CPGE scientifiques 2020-2022). « Savez-vous, demandait l’académicien, père de la bombe H soviétique, qu’après une explosion atomique, il y a une fraîche odeur d’ozone qui sent si bon ? Article paru initialement le 2 mars 2016 sur TdC. Mes sentiments débordent tellement que je ne peux les maîtriser, ils me paralysent. Notre mémoire vivra tant que nous vivrons… Dans la presse, tout était mensonge… Je n’ai lu nulle part que nous fabriquions une sorte de cotte de mailles, des chemises de plomb, des culottes. Neuf. Par Isabelle Regnier Et vous désorientez, 14. L’apocalypse… L’hiver nucléaire… Tout cela a été décrit par la littérature occidentale comme une répétition avant le spectacle du futur. Mais elle nous a été enfin concédée. Nous parlons beaucoup de cela, mes amis et moi. , en nous isolant de ce qui nous entourait. Alors, ils ont simplement débranché les compteurs. Nous allons vous exiler dans des contrées éloignées. Ils étaient bien pour nous, les gens simples. Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés. De toute manière, le retour, elle le ferait le lendemain. Me voici invalide au deuxième degré. Mais tout cela, c’est déjà de l’histoire… L’histoire d’un crime ! Svetlana Alexievitch, La supplication; Ce livre vous propose 30 fiches pour réviser l'essentiel : Tout sur les auteurs en 9 fiches : pour tout savoir sur les auteurs au programme, biographies et contextes dans lesquels ils ont écrit les uvres. Il a mis en marche son appareil et a promené son capteur le long de nos bottes. Ne comprends-tu pas à quoi tu t’attaques ? Eh bien, vous avez la mémoire courte. Retrouvez La force de vivre Prépas scientifiques 2020-2021 : Hugo, Les Contemplations - Nietzsche, Le Gai Savoir - Alexievitch, La Supplication et des millions de livres en stock sur Amazon.fr. Notre éternité, c’est Tchernobyl… Et nous, nous rions ! Tu pouvais. À la fois innocents et indifférents. J’ai remarqué depuis longtemps que je suis plus attentive au monde qui m’entoure. Mais tout cela, c’est déjà de l’histoire… L’histoire d’un crime ! Tu as prêté serment, tu as embrassé le drapeau, tu es donc obligé. Mais c’était aussi un jeu, une fuite de la réalité. Ils se plaignent d’avoir été trompés. Les Fausses confidences de Marivaux. J’avais envie de tout mémoriser en détail et avec précision. Fiche d’ESH avec explications détaillées sur le principe du multiplicateur keynésien, pour les prépa HEC ou les lycéens. Je me lève, je vais aux répétitions, je rencontre mes élèves et cela est suspendu au-dessus de moi. Mais après Tchernobyl…, On a fait venir des scientifiques jusqu’au réacteur. J’ai constitué un dossier : 4 chemises de 250 feuilles chacune. Il n’y est monté qu’une seule fois… Maintenant, il est invalide au deuxième degré. Livraison''Svetlana Alexievitch La supplication Tchernobyl 3 / 20. Il est probable que, si on les interroge, les gens conçoivent les mêmes images de l’apocalypse : explosions, incendies, cadavres, panique. Le lendemain, elle est partie et nous avons mis à nos enfants leurs plus beaux vêtements pour les emmener aux commémorations du Premier Mai. Nous avons considéré que c’était notre devoir. Nous mettions nos masques dès qu’une voiture passait en soulevant la poussière et nous restions dans les tentes après le travail. Nous lisions le samizdat qui avait enfin fini par atteindre le pays profond. Si quelqu’un avait vu l’évacuation d’en haut, il aurait pensé que la Troisième Guerre mondiale venait de commencer. » J’avais des chiffres, des cartes. À l’époque, il suffisait de survivre. Il a prétendu que le type avait reçu une lettre de sa famille : sa famille le trompait. Nous n’avons rien, à part la souffrance. Mais la conscience n’était pas prête. Des slips de plomb ! Il était également possible qu’un conteneur eût été endommagé pendant un transport au laboratoire radiochimique. Tout se confond dans ma mémoire, ce que j’ai lu et ce que j’ai vu…. Aucun d’entre nous n’avait de doute quant au fait qu’on pouvait nous emprisonner pour refus d’obéissance. Plus personne. Avec mon groupe, nous sommes entrés dans une église abandonnée, pillée. (210). Rangez votre appareil ou je le casse. Lave- toi les cheveux… » J’ai raccroché. Vous notez seulement ce qui vous convient ! » Röntgens, microröntgens, un langage d’extraterrestre… Retour à Minsk. Elle avait dû comprendre. Nous avions peur de parler de ce qui venait de se passer. Et vous prenez des photos. En voilà une : on envoie un robot américain sur le toit. L’une d’elles concernait la manière de traiter les poulets contaminés. « Ne sois pas si pressé, m’a-t-on dit. Deux mois plus tard, nous nous comportions normalement. Le soir du même jour. Ma vision a changé… Je suis allée dans la zone dès les premiers jours. Dans les écoles, les masques à gaz dataient d’avant la guerre et les tailles ne convenaient pas aux enfants. La supplication peut ainsi être vue comme un monde de passions (dans tous les sens du terme) où domine celle de la vie : « L'important, pour nous, c'est de comprendre comment vivre Je me souviens aussi de discussions sur le sort de la culture russe, de son penchant pour le tragique. » Autour de nous, on ne parle que de la mort. Nous, nous vivons ici, nous souffrons. Il a une énorme fente en guise de bouche et pas d’oreilles.